Téléconsultation dans les magasins d’optiques
Projet de téléconsultations dans les magasins d'optique : « une confusion inacceptable entre prescription et vente » pour les ophtalmos.
Développer des cabines de visio-consultation ophtalmologiques chez les opticiens. C'est le nouveau projet du groupe GrandVision (Grand Optical, Générale d'optique, Solaris) en partenariat avec la société de services médicaux Althalia (second avis, conception de programmes médicaux, téléconseils, outils numériques), qui a signé au début du mois un contrat de télémédecine avec l'agence régionale de santé (ARS) Ile-de-France pour développer ces téléconsultations dans les déserts médicaux.
Le principe est le suivant : dans une pièce sécurisée de magasins d’optiques participants, « les mesures utiles à la consultation de dépistage sont effectuées par un ophtalmologue en visio-consultation avec la participation d’un opticien », indique Althalia.
Le service utilisé est « garant d’une haute qualité médicale, éthique et de sécurité », assure la société, et permettra au patient de se géolocaliser, de sélectionner l’opticien le plus proche de chez lui et de répondre à un questionnaire médical, dès le 5 novembre prochain. Une fois la téléconsultation effectuée, le patient reçoit l'ordonnance mais n’a « aucune obligation d’achat des équipements auprès de l’opticien », assure Althalia. Les opticiens, eux, seront formés aux matériels médicaux et à la visio-consultation, et interviendront « sous l’autorité d’ophtalmologistes, sur la base d’un protocole défini en amont ».
Lieux pas légitimes
Mais ces derniers sont loin d'être ravis par la nouvelle, bien au contraire. Le président du Syndicat des ophtalmologistes de France (SNOF), le Dr Thierry Bour, estime que cela pose de« graves problèmes déontologiques » à la profession. Il dénonce « une confusion des genres inacceptable entre médecine et commerce »et « entre prescription et vente ». « L’intention est louable, cela ne doit pas être un alibi pour accroître l’attractivité d’un point commercial et mettre en situation de compérage opticien et ophtalmologistes », estime le Dr Bour, pour qui tout protocole de télémédecine au sein d'un magasin d'optique est incompatible avec la déontologie.
Preuve de la non-adhésion des médecins, le conseil d’administration du SNOF a rejeté à l’unanimité ce principe. Parmi les arguments des syndicalistes, le fait que les opticiens-lunetiers n’ont pas à connaître tous les antécédents médicaux, les pathologies, les traitements des patients. « Il y a des lieux plus légitimes pour faire des téléconsultations, comme les cabinets secondaires d’ophtalmologie ou les maisons de santé équipés en matériel avec assistance d’un orthoptiste », indique le SNOF.
Enfin, cela soulève aussi le problème de la pratique de la médecine dans des locaux commerciaux, contraire au code de déontologie médicale (articles 19 et 25). « Ce protocole ne devrait pas aboutir à un remboursement par l’assurance-maladie. Tout ophtalmologiste tenté par ce protocole devrait soumettre le contrat à l’Ordre des médecins. Les opticiens-lunetiers sont des partenaires clés, mais les ophtalmologistes demeurent les garants de la santé visuelle », rappelle le Dr Bour.
Aujourd’hui, 60 % des ophtalmologistes pratiquent le travail aidé (avec un orthoptiste, un infirmier ou un assistant). Le nombre de patients vus grâce à cette organisation a augmenté de 26 %, selon la CNAM.